A l'Ouest rien de nouveau, ailleurs non plus....

Publié le par Hervé Breton

Bonjour à tous et à toutes,

Encore un emprunt à un auteur connu, Remarque cette fois-ci. Je vais finir par me faire condamner pour plagiat même si le contenu de cet article n'aura aucun rapport avec le bouquin du susnommé.

Bon ! Le sujet du jour ! Vous aurez sans doute remarqué que, depuis quelques années, on n'entend parler que de la mondialisation comme réponse à toutes nos interrogations sur les vicissitudes de la vie politique et comme raison principale de notre besoin d'adaptation à cette nouvelle réalité. Certains connaissent la chose sous le nom de TINA (there is no alternative) de la sublime Thatcher, dirigeante dont l'humanisme et l'ouverture d'esprit auront marqué le XXème siècle....Ainsi donc, dans une économie maintenant mondialisée, il existerait des réalités nouvelles qui nécessiteraient des réponses jusqu'ici trop longtemps repoussées. Et des réponses qui font mal, ça va de soit, mais dont les plus réfractaires ne mesurent pas combien elles augureront de lendemains qui chantent après des mâtinées triomphantes pour ne pas dire triomphales.

Pour les rares qui me lisent, ils se doutent bien que si j'associe humour et emphase, c'est probablement parce que je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce discours. A vrai dire, je ne le suis même pas du tout. Poussé par de nouvelles insomnies chroniques, j'ai passé ces dernières nuits à essayer de comprendre les mécanismes de ce qu'on appelle le mondialisation et en quoi elle serait représentative de quelque chose de nouveau. Et là, patatra ! J'ai eu beau tourner et retourner la chose dans tous les sens, j'en suis toujours revenu à la même conclusion : la mondialisation, c'est vieux comme Erode, quant à ses mécanismes, ils ont l'âge de nos ancêtres.

Oui, je sais, c'est une voix discordante (à vrai dire, ça me définit assez bien...) mais je vais tâcher de vous expliquer comment j'en suis arrivé là.

Il faut tout d'abord se mettre d'accord sur ce qu'on met derrière le terme "mondialisation". Je crois qu'on peut le résumer à deux choses principales : l'internationalisation des échanges financiers et commerciaux d'une part, le transfert (ou le rééquilibrage selon les points de vue) de pans entiers de l'Economie vers d'autres Etats de la planète d'autre part.

Prenons l'aspect internationalisation des échanges. Il est vrai qu'aujourd'hui, les investisseurs peuvent jouer sur toutes les places boursières simultanément et que l'entreprise Duchenock peut vendre ou acheter à peu près où elle veut. Nier cette réalité, c'est vivre sur une autre planète. Mais est-ce nouveau pour autant ? Et bien, pas vraiment....Quand on relit les livres d'Histoire, les officiels, même pas les alternatifs, on constate que le crack boursier de 1929 s'est joué sur plusieurs éléments convergents : la chute brutale des cours de 2 sociétés britanniques sur la bourse de Wall Street, le trading à haute fréquence et les nouvelles technologies sans lesquelles, pas de trading à haute fréquence possible. Ok, les téléscripteurs de l'époque n'étaient certainement pas aussi rapides que les ordinateurs d'aujourd'hui, il n'empêche que le principe était le même. Quant à savoir ce que la cotation d'entreprises britanniques avaient à foutre à Wall Street, dame ! je n'en sais rien ! mais ça démontre que déjà, les échanges financiers étaient internationalisés. Quant à l'internationalisation des échanges commerciaux, ceux-ci n'ont pas attendu le XXIème siècle. Certes, ça prenait un peu plus de temps pour livrer, d'autant que les bateaux, beaucoup moins rapides que les avions, étaient de surcroît moins maniables qu'aujourd'hui. Il n'empêche que ça existait déjà et que rien, pas même les guerres mondiales, ne les ont arrêtés (j'y reviendrai plus loin).

Reste la dimension transfert de secteurs de l'Economie. Là oui, on pourrait penser que c'est relativement nouveau : auparavant, on faisait déplacer les populations vers les foyers d'emploi alors qu'aujourd'hui, on fait déplacer les foyers d'emploi vers les populations ad hoc. Sauf que le moteur de ces mouvements, lui, est resté le même : avoir la population ad hoc à disposition. Et c'est quoi la population ad hoc ? Et bien c'est celle qui coûte le moins cher possible. Ainsi, à partir de la Révolution industrielle au XIXème siècle, on a incité la population rurale à quitter ses campagnes pour rejoindre les villes où se trouvaient usines et bassins miniers : main d'œuvre peu formée, inculte, donc payable au lance-pierre. Même les enfants étaient invités à découvrir les joies de l'épanouissement par le travail. Je note que, si les enfants occidentaux ont aujourd'hui d'autres perspectives, ceux du Bengladesh ou de pays du même genre partagent les joies de nos enfants du XIXème. J'ai le souvenir d'un documentaire de Mickael Moore, "The Big One" je crois, où le patron de Nike expliquait sans sourciller que ça ne le gênait pas de savoir que des gamins indonésiens bossaient dans ses usines pour 2 clopinettes, tout en affirmant qu'il prévoyait bien sûr un autre avenir pour ses propres enfants. Il n'était même pas cynique, il croyait tout simplement que c'était "normal" ainsi.

Autrement dit, le capitalisme naissant s'est nourri de ce que j'appellerais l'immigration intérieure. Dans certains pays, cette immigration de l'intérieur a duré un peu plus longtemps grâce à certaines particularités locales : les anciens esclaves noirs aux USA, les anciens indigènes pour les pays à empire colonial etc, etc. Puis, après une parenthèse d'une trentaine d'années à la suite de la 2ème guerre mondiale, c'est l'immigration extérieure qui est venu nourrir la bête à main d'œuvre pas chère : africaine en France, latino aux USA etc. Et maintenant, phase ultime, on déplace les usines là où c'est encore moins cher parce que même nos immigrés incultes, il faut les payer un minimum. La Chine reproduit maintenant un schéma similaire : depuis 20 ans, ses habitants des campagnes sont venus garnir ses usines pour des salaires les plus bas possibles. Et pour ne pas insulter l'avenir, la Chine investit des milliards en Afrique, notamment dans les domaines de l'Agriculture et de l'Education, non pas pour aider au développement du coin mais pour être sûre de trouver là une main d'œuvre encore moins chère quand il prendra l'idée saugrenue à l'ouvrier chinois de réclamer un peu trop.

Bref, ce qu'on présente comme une chose nouvelle n'est rien d'autre que la suite logique du fonctionnement naturel du capitalisme, fonctionnement naturel qui expliquerait pourquoi on ne peut aller contre et pourquoi il faut s'y adapter. Il est juste un peu agaçant qu'on essaie de nous faire croire que "nouveau" signifie aussi "moderne" : d'abord parce que, je me répète, ça n'a rien de nouveau mais aussi parce que, dans les dictionnaires que j'ai à disposition, ça n'a pas la même définition. C'est un peu comme confondre "réforme" avec "moins disant social", à la fin, c'est gonflant. Par contre, oui, tout ce qui précède vise à démontrer que le fonctionnement naturel du capitalisme tend au moins disant social.

Mais bon, acceptons l'idée que c'est en effet naturel. Il devient alors étonnant de relever que, devant cette règle de la nature, les réponses apportées par l'Homme n'ont pas toujours été les mêmes. Il y a eu le communisme dont les succès restent mitigés pour faire dans l'euphémisme. Encore que (je vais me faire traiter de gaucho), si on essaie de regarder les choses sans esprit partisan, on peut difficilement contester à Cuba la qualité de son système éducatif et de son système de soin. Bon, c'est pas grand Cuba et je conviens qu'en termes d'épanouissement des populations, on a connu mieux. N'empêche que ça n'est pas non plus un enfer.

Et puis il y a eu les fameuses 30 glorieuses, en France comme ailleurs. On dit souvent qu'elles ont été possibles parce qu'il fallait tout reconstruire. Là encore, ce serait idiot de le nier. Mais il existe à mon avis une autre raison qui a favorisé cette période de croissance, d'épanouissement des sociétés et de réformes sociétales : la régulation du capitalisme dont le penchant....naturel....est de ne pas l'être. Pourquoi cette période de régulation ? Et bien parce qu'au cours de la 2ème guerre mondiale, les échanges commerciaux étant déjà mondialisés, de nombreuses entreprises de tout bord ont continué leurs activités, y compris avec les pays supposés ennemis, comme si de rien n'était : la famille Bush a bâti une bonne part de sa fortune en commerçant avec l'Allemagne, Ford, le patron de l'entreprise éponyme, ne détestait pas y faire des affaires, Renault non plus d'ailleurs, et des sociétés allemandes genre IG Farben ou Volkswagen faisaient de même dans l'autre sens. Disons que les familles des dizaines de millions de victimes l'ont trouvé un peu saumâtre et que les grandes figures politiques de l'époque ont compris que la reconstruction devrait être autant morale que matérielle pour qu'elle ait une chance de réussite, c'est tout à leur honneur.

Mais comme dit le proverbe, chassez le naturel, il reviendra au galop. Trente ans ont suffi pour qu'une nouvelle génération s'installe, repoussant l'ancienne vers le rayon des souvenirs. Il devenait alors grand temps de reprendre les affaires là où on les avait laissées ! D'ailleurs, même les chercheurs de Chicago, dont les thèses ont été largement diffusées à partir du milieu des années 70, n'ont rien inventé : leurs écrits sont largement inspirés d'autres économistes du XIXème siècle comme Saint-Simon.

A partir de là, deux chemins s'ouvrent devant nous : soit on attend que toutes les populations aient connu leur période d'exploitation capitaliste pour espérer qu'alors, le développement sera accessible à tous (faudra être patient et, avec les changements climatiques et ses conséquences qu'on nous annonce, c'est pas dit qu'on le voit un jour), soit on accepte comme un fait établi que les anciens riches redeviennent pauvres pour, à leur tour, alimenter la machine à main d'œuvre pas chère. Et si c'était ça, au fond, le développement durable, s'assurer que la bête capitaliste aura toujours de quoi se nourrir ?

Il reste une 3ème voie bien sûr, celle de revenir à un capitalisme régulé. Car ça aussi, c'est dans la nature des choses....l'Homme n'a-t-il pas, au cours des siècles, cherché à domestiquer la Nature pour en repousser les limites et construire la civilisation ? Pourquoi le capitalisme devrait-il y échapper ? A ceci, on me rétorquera plusieurs choses. D'abord que je suis un doux rêveur....oui, c'est vrai, j'en suis un et je ne vois pas pourquoi je me l'interdirais. Loin de moi l'idée de me comparer à de tels grands hommes, mais ce sont bien les rêves de Mandela et de Gandhi qui ont abattu des montagnes. Fallait-il leur interdire de rêver ? Pourtant, le monde est devenu bien meilleur après eux qu'avant.

On pourra me rétorquer aussi que, à la fameuse époque des 30 glorieuses, les inégalités nord/sud étaient bien plus fortes et que la mondialisation permet un rééquilibrage. Mais qui vous dit que c'est la mondialisation ? Ne serait-ce pas plutôt, ou du moins aussi, l'émancipation dont les peuples correspondants ont pu bénéficier, pas sans combats assez souvent, au cours des 30 glorieuses dont on voit les conséquences positives aujourd'hui ? Après tout, Paris ne s'est pas faite en 1 jour comme on dit : 40 ou 50 ans pour s'inscrire dans un développement accessible à tous ou presque, c'est une goutte d'eau dans l'échelle du temps d'un pays.

On me dira enfin que réguler tout seul est juste utopique. C'est sans doute vrai....mais pour répondre à cette "contrainte" je citerais l'exemple du Maire de Portland. Le monsieur, très sensible aux questions d'environnement, s'est fait élire sur le discours suivant (en gros) : "on se demande souvent à quoi servirait des règles environnementales si nos voisins, eux, n'en ont pas et continuent de polluer. C'est sans doute vrai mais ce qui est aussi vrai, c'est qu'il faut bien qu'il y en ait un qui commence. Et bien si vous m'élisez maire, ce sera Portland qui commencera". Ancienne ville industrielle moribonde du nord ouest américain, Portland est depuis un peu plus de 10 ans une ville en plein boom, y compris économique, classée n°1 des villes américaines pour la qualité de vie.....

Et si la France décidait d'être la première à revenir à des formes de régulation du capitalisme ?.....Chiche ?

Un grand merci aux rares qui se perdent sur ces pages, dommage qu'ils ne partagent pas leurs propres réflexions surtout quand elles s'opposent aux miennes ! A bientôt

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